Toute une montagne ! Transition et devenir des territoires alpins [décryptage]

23.08.2022
Toute une montagne ! Transition et devenir des territoires alpins [décryptage]

Les dynamiques dans les territoires de montagne sont multiples, se mêlent ou s'entrechoquent. Cet été, le devenir des territoires de montagne questionne, inquiète, intéresse... Ils en font toute une montagne ! Et à raison : le sujet semble brûlant. Nous proposons cet article de décryptage des dynamiques et des enjeux liés à la transition et au devenir des territoires de montagne alpins et au-delà. Et comme toujours pour l'ADRETS, c'est également l'occasion de questionner la place du sujet des services au public dans ce vaste chantier de réflexion qui traverse les acteurs de la montagne et au-delà.

Devenir des territoires de montagne, quel modèle de développement ?

Les dynamiques dans les territoires de montagne sont multiples, se mêlent ou s'entrechoquent en cette période estivale. De toute part, entre échanges avec des locaux, coupures d'article dans la presse locale, dossiers en longeur de médias nationaux.... Cet été, le devenir des territoires de montagne questionne, inquiète, intéresse.

Quand on parle perspectives de développement dans le massif alpin, on entend (et donc on pense) quasi instantanément "développement du tourisme" ou "transition du tourisme". "Quelles évolutions pour le tourisme de montagne demain ? " en 2030 ? en 2050 ?

Première état de fait : le développement des territoires alpins se posait jusqu'à aujourd'hui très souvent à travers le prisme du développement du tourisme. Bien entendu, le bleu Azur de sa côte méditérannéenne jusqu'à l'or blanc de ses plus hauts sommets et glaciers millénaires, le massif alpin situé sur deux grandes régions Auvergne-Rhône-Alpes et Provence-Alpes Côte d'Azur, a toujours su capitaliser sur ses ressources naturelles et exploiter tout le potentiel de ce patrimoine pour imaginer et consolider un modèle de développement touristique. Tourisme qui est devenu pilier, voire religion, et fin en soi. Le tourisme qui représentait 8,7% du PIB de la Région Auvergne Rhône Alpes en 2019 (Tourisme Pro Auvergne Rhône-Alpes, 2019), avec le tourisme de montagne qui reste la forme la plus productive du tourisme de la région avec la Savoie et la Haute-Savoie qui produisent à elles seules presque la moitié de la richesse dégagée touristique de la région. Le tourisme en Région Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur, représente quant à lui une part de 13 % du PIB (2ème région de France pour le poids du tourisme dans son PIB) (CRT PACA, 2022)
Ces territoires, champions de l'attractivité touristique aussi bien que de nouvelles populations (actifs saisonniers, télétravailleurs, personnes retraitées, citadins en quête de vert ou d'altitude), doivent aujourd'hui faire face à la gestion des effets de plus en plus tangibles (et coûteux) des liés au réchauffement climatique, mais aussi à de nouvelles attentes des clientèles touristiques comme des nouveaux besoins de ses habitants actuels et à venir.

Des crises à gérer, de nouveaux modèles à inventer

Cet été plus que jamais, les autorités, les élu.e.s et les acteurs de terrain, doivent faire face à l'urgence, et s'adapter aux différents phénomènes en cours : protection des populations et des touristes dans des pratiques de montagne à risque accru, fermeture des refuges de moyenne montagne dûs à la sécheresse, prévention des risques incendies, limitation de la fréquentation de sites naturels sensibles, confrontation à une pénurie de travailleur.se.s saisonnier.e.s jusque-là connue mais à un stade désormais critique, crise du logement pour ces travailleur.se.s mais aussi désormais pour les locaux et jeunes actifs (voir le reportage France Culture) conflits d'usage entre pratiquant.e.s de la montagne et éleveur.se.s, tensions autour des aménagements nécessaires pour envisager la production de neiges artificielles...
De notre position de réseau et centre de ressources au service des territoires ruraux et de montagne, souvent sur le terrain, de manière toujours empirique, en laissant grandes ouvertes nos oreilles lorsque nous rencontrons les socio-professionnel.e.s et les collectivités locales, nous actons ces constats, entendus cette année dans le massif alpin :
  • des crèches qui ferment dans plusieurs stations, pour la garde des enfants des touristes comme des locaux (salarié.e.s, travailleur.se.s saisonnier.e.s, habitant.e.s, résident.e.s permanent.e.s ou secondaires) ;
  • un accès au foncier toujours plus inaccessible pour les jeunes des territoires comme les nouveaux arrivant.e.s ;
  • des logements saisonniers qui sont toujours la denrée rare des stations, les conventions pour le logement saisonnier, rendues obligatoires pour toutes les municipalités classées communes touristiques signées depuis 2019, et dont les effets tardent à se faire objectivement sentir ni ne sont à ce jour mesurables ;
  • des besoins en personnels de plus en plus urgents pour les secteurs de l'industrie touristique (Hotellerie-Commerce-Restauration) et bien au-delà, faisant craindre une panne historique de CV comme de candidat.e.s prêts à démarrrer pour la saison d'hiver 2022 ;
  • un accès de plus en plus difficiles aux services bancaires (voir article ANEM, août 2022 : ),
  • Des déserts médicaux de plus en plus "asséchés" (voir dans les Hautes-Alpes ici ou encore dans les Alpes-Maritimes ici )....

Nous pourrions continuer la liste de ces constats qui peuvent et doivent nous alerter, et nous inviter à passer rapidement de la réflexion à l'action. Mais bien avant de construire ces nouveaux modèles, à la force d'un dialogue de qualité et d'écoute mutuelle entre les acteur.ice.s de la montagne, habitant.e.s concerné.e.s comme touristes ponctuels, il s'agit selon nous de mesurer l'urgence à replacer la question des services au public dans les territoires de montagne et à fortiori dans leurs stations les plus attractives.

Les tentatives se multiplient pour coconstruire cet avenir des territoires de montagne, au-delà du tourisme. Les récents Etats généraux pour la transition du tourisme en montagne, largement co-portés par les acteur.ice.s de la montagne en ont été la preuve. Mais il n'ont pas été le seul catalyseur de ces réflexions. Et il nous semble essentiel, en cette rentrée 2022, de s'en inspirer pour inviter les acteur.ice.s du secteur privé et public à lier les paroles aux actes, et à relier l'ensemble des personnes concernées pour construire des idées et les transcrire en mouvement durable, réaliste et ambitieux.
Pour prendre de la hauteur, citons ici 3 sources inspirantes, fruits de véritables exercices de propective, prenant souvent la forme finale illustrée de récit d'anticipation quasiment Orwellien ! Ils pourront aussi vous donner de la matière à penser, pour imaginer des nouveaux modèles de territoires de montagne à vivre, et non plus "à consommer" :

Le tourisme à sa juste place, les services au coeur

Côté ADRETS, nous avons tenté cet exercice durant l'été 2021 en dessinant les tendances qui nous paraissent en mouvement et d'avenir, en faveur de modèles d'un développement équilibré des territoires de montagne demain (voir notre note Nouveaux modèles touristiques, nouvelles activités, nouveaux habitants ). Voici donc en résumé, les sept tendances pour les services à la population et leur accessibilité en montagne en 2030, un exercice de propsective par l'ADRETS :
  • 1/ Un accès facilité aux stations et bassins d'emploi en montagne
  • 2/ Un accès à la formation : pouvoir se former à la porte de chez soi
  • 3/ Un accès au logement pour les touristes, les locaux, comme pour les saisonniers : cohabitation intergénérationnelle, habitat participatif,réhabilitation de logements dans le parc diffus ... ça essaime quand ?
  • 4/ La reconnaissance des spécificités des territoires de montagne et de leurs activités pour former à la pluri-compétences et pluriactivité territorialisée
  • 5/ Un accès à la culture pour tous, toute l'année
  • 6/ Les territoires des Alpes, des terres d'accueil pour les nouvelles populations
  • 7/ Travailler autrement à la montagne : accompagner l'essor de l'économie de services en altitude


En guide d'ouverture, et vous l'aurez compris, notre propos ici n'est pas d'entrer dans un misérabilisme qui opposerait une posture accablée, voire attentiste. Foncièrement optimistes, nous sommes convaincu.e.s que c'est à l'occasion de cette réinvention des modèles des territoires de montagnes - pas uniquement sous le prisme du tourisme, mais via un développement intégré du territoire - que la question des services au public retrouvera ses lettres de noblesse comme un des éléments piliers pour co-construire les territoires de montagne de demain.

Enfin, et en tant que modestes chevilles ouvrières de ce que l'on appelait il y a quelques temps le développement local, nous portons et poursuivrons activement ce plaidoyer à travers différentes instances politiques, évenements et réseaux auxquels nous participons :
  • le Conseil National de la Montagne piloté par l'Agence nationale de la Cohésion des territoires et sous l'égide de Mme la Premier Ministre ;
  • le Comité de massif des Alpes, et notamment ses groupes de travail "Services" et "Développement Economique" ;
  • la Convention alpine pilotée au niveau du massif alpin européen par la CIPRA (Convention Internationale pour la Protection des Alpes);
  • la Stratégie Macro-régionale de l'Union européenne pour la région alpine (SUERA) et son Groupe d'Action 5 sur les services au public dont l'ADRETS est membre.
etc..

Car la saisonnalité marque le rythme de l'économie et de la vie en montagne

Enfin, et car le sujet de l'emploi saisonnier est au coeur de nos actions en cette année 2022, rappelon le temps fort que nous organisons en cette rentrée : la rencontre saisonnalité alpine 2022 sur le thème "Agir pour l'emploi saisonnier : attractivité, recrutement, fidélisation" - Plus d'infos et inscriptions

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