Décryptage du dispositf France Services

12.08.2019
Décryptage du dispositf France Services

Dans le cadre de la sortie de la circulaire du 1er juillet sur la création du dispositif France Services, les Maisons de services au public alpines, notamment rurales, se posent beaucoup de questions sur sa mise en application très prochaine. En tant que réseau, l’ADRETS souhaite rapporter leurs premiers retours, ainsi qu'apporter des éléments d'analyse et d'éclairage.

Participant depuis près de deux ans à la refonte du cahier des charges (réunions, retours écrits), nous trouvons actuellement la charte d'engagement et le bouquet de services sécurisant pour définir le rôle des Maisons de services au public et leur complémentarité avec les services existants.
Nous saluons la prise de position forte sur les nécessaires référents locaux des opérateurs (notamment des 9 partenaires). Il s'agissait déjà d'une obligation dans le précédent cahier des charges des MSAP, bien que pas toujours mise en œuvre. Nous espérons que chaque référent local se rendra disponible pour établir une relation de confiance avec les agents des Maisons afin de répondre au mieux à l'objectif partagé d'éviter l'"errance administrative". Ce terme reflète d'ailleurs parfaitement le désespoir ressenti par une partie de la population qui ne trouve plus que les Maisons de services au public comme dernier interlocuteur pour accéder à leurs droits et réaliser leurs démarches administratives.
Nous saluons également la prise de position sur les services itinérants et la mutualisation (notamment de locaux) avec des services déjà existants sur les territoires amenant à une réflexion plus fine des besoins et possibilités de ces derniers.

Ce sont des points que nous défendons depuis une vingtaine d'année et nous sommes convaincus que ce sont des éléments essentiels à la poursuite du dispositif, notamment dans nos milieux ruraux alpins.
Nous souhaitons porter à attention les éléments suivants :

  • tout texte, même bien écrit, peut être soumis à interprétation, nous avons effectivement pu remarquer des formulations plus vagues (notamment sur le degré d'accompagnement effectif dans le bouquet de services) qui resteraient à préciser ;
  • l'effectivité de la relation avec les opérateurs ne peut plus être un vœu pieu (comme il l'a été pour certains durant les années précédentes) afin d'éviter aux Maisons de palier à leur absence ;
  • ce que nous appelons "itinérance" ne saurait se limiter à un dispositif de "Bus". Celui-ci peut être parfaitement adapté sur certains territoires mais doit répondre à un réel besoin. Nous avons fait remonter la pertinence de l'itinérance sous forme de permanences dans des lieux existants, des antennes, qui permettent tout autant de mettre le service au plus près des habitants. C’est une solution déjà opérante pour des MSAP du réseau, or le fonctionnement des antennes n’apparaît nulle part dans la circulaire et les documents en annexe, ce qui pose la question de leur traitement et de leur pérennité.
  • la mutualisation avec des services existants pour tendre à des "Tiers lieux de services" est une réponse séduisante. Elle ne doit pas cacher les difficultés de polyvalence des agents d'accueil pour des services parfois incompatibles dans un même temps (ex : espace de vente de produits qui doit se fermer pour réaliser un entretien individuel en salle isolée). L'articulation doit là aussi être finement analysée pour éviter une mise en échec de la solution.

Afin d'atteindre les 300 Maisons labellisées France Services en janvier 2020, certaines Préfectures ont commencé à diffuser la circulaire avec une grille d'analyse portant des critères. Des Maisons de services au public du réseau alpin (22 participants à une rencontre à distance réalisée le lundi 22/07/2019) nous ont fait remonter un certain nombre d'incompréhensions / d'inquiétudes :

  • Un point noir : les 2 agents polyvalents
La charte d'engagement pose dans le paragraphe 1.4 la recommandation d'"un minimum de deux agents formés [...]. Ces agents peuvent être affectés à temps partiel ou à temps plein selon les besoins de la structure et en adéquation avec les réalités de territoire [...]. En cas d'impossibilité matérielle à la mise en oeuvre, l'unique agent s'engage à assurer un service public de proximité qualitatif au moins 24h/semaine, sur 5 jours ouvrés". Les échos de la réunion des Préfectures du 12 juillet dernier semblent porter cette recommandation à obligation (l'affichage dans la grille d'évaluation ne porte effectivement pas la nuance possible de la charte d'engagement) en la durcissant par une présence effective des deux agents en permanence dans les locaux.
Cela nous semble contre-productif et inatteignable pour la plupart des Maisons alpines rurales, pourtant fer de lance du dispositif depuis 20 ans ! La nécessité de prévoir un dispositif de remplacement pour assurer un service de qualité continu nous semble tout à fait pertinente et pas forcément appliquée actuellement. Ceci permet en effet aux agents de pouvoir quitter leur poste ponctuellement (en cas notamment de formation, de participation aux réunions des comités de pilotage, des partenaires, des réseaux, etc.) ; mais poster 2 agents en permanence sur chaque Maison n'est pas forcément adéquat avec les besoins sur nos territoires. Cette condition risque fort d'éliminer du dispositif des Maisons en territoires ruraux peu peuplés dont l'enclavement impose pourtant une proximité renforcée !
A titre d'exemple, dans les Alpes, les MSAP situées en stations qui accueillent majoritairement un public saisonnier ont certes besoin d'un effectif plus conséquent durant la saison touristique, mais le fait d'avoir 2 agents en permanence n'est pas nécessaire tout au long de l'année.
→ Nous proposons une analyse basée sur la charte d'engagement et les réalités de chaque territoire et nous appelons les représentants en Préfectures à défendre cette spécificité des territoires ruraux alpins, et d'appuyer les Maisons qui ont fait preuve de leur utilité sur leur territoire.

  • Une question : les formations
Sont nommées, comme critères essentiels, la participation à trois formations : "Accueil physique et téléphonique et information des usagers", "Médiation avec les partenaires", "Accompagnement des usagers à l'utilisation du numérique". Hors il n'est pas précisé à quoi correspondent ces formations. S'agit-il de formations existantes ou qui ont existé ? Si oui, par qui sont-elles dispensées ? Ou de formations à venir dans le cadre du plan de formation proposé par le CNFPT ? Dans le second cas, il sera donc difficile aux Maisons de cocher les cases...
→ Nous proposons d’ouvrir la possibilité aux Maisons de faire valoir des formations suivies par ailleurs au plus proche de ces thématiques, notamment dans le cadre des formations qui ont été dispensées par la Caisse des dépôts durant les deux dernières années ("Accompagnement numérique", "Partenariat", "Médiation et intermédiation").

  • Une interpellation : le conventionnement avec les 9 partenaires
La charte et sa grille de critères mentionnent dans le socle minimum le relais des 6 opérateurs nationaux et des 3 services de L’État. Jusqu'à présent, il était nécessaire pour les MSAP de conventionner localement avec au moins 2 opérateurs, la convention détaillant les éléments de la relation partenariale. La lecture de la circulaire laisse à penser que la labellisation France Services permettra automatiquement le conventionnement avec les 9 opérateurs. Mais de nombreuses questions sont sous-jacentes : comment le partenariat se concrétisera au niveau local ? Quelles seront les démarches à réaliser pour les Maisons et les opérateurs ? La question se pose d’autant plus lorsque, sur le bassin de vie de la MSAP, il existe déjà des implantations locales de certains des 9 partenaires.
→ Nous proposons de mettre rapidement en place un groupe de travail et/ou des outils (conventions, grille partenariale, etc.) pour accompagner les Maisons et les opérateurs dans la mise en application effective du partenariat au niveau local.

  • Une demande de précision : les horaires d'ouverture
L'amplitude validée par la charte d'engagement est d'un minimum de 24h/semaine réparties sur 5 jours. Pour certaines MSAP de territoires isolés qui fonctionnent en "antennes", il y avait possibilité de répartir les horaires d'ouverture sur l'ensemble des structures. Les critères semblent là aussi imposer ces chiffres sans possibilité de modulation en fonction des besoins des territoires.
→ Nous proposons la prise en compte des spécificités des Maisons qui ont mis en place une structuration répondant au mieux aux besoins des territoires locaux, notamment dans le cadre d’antennes
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  • Une information : les instances locales de gouvernance
Pour certaines Préfectures, aucune réunion n'a été organisée. Il parait donc difficile aux agents d'avoir pu s'y rendre.
→ Nous proposons que ce point ne soit pas pénalisant en cas d'inexistence de réunion.


Concernant les animations locales de réseaux de Maisons de services au public, nous rappelons l'existence de notre "Kit animation" où nous décortiquons notre expérience d'animation de réseau cumulée depuis près de 20 ans auprès des points public polyvalents. L'ADRETS se tient à disposition des Préfectures, Maisons têtes de réseaux pour transmettre sa connaissance et éventuellement envisager une collaboration dans la mise en œuvre de cette animation et du plan de montée en gamme.

[Crédit Photo : rawpixel.com - fr.freepik.com]
Téléchargez la circulaire :